Parcs. Playgrounds propose une méditation sur l’espace public au moyen d’une documentation de terrains de jeu vides, telle que saisie par Myriam Yates dans la ville de New York en 2018. La composition formelle de ces images, par ses vues frontales et éloignées, nous incite à observer les accents modernistes présents dans ces sites de jeux publics. Captées sans présence humaine, ces structures sont le reflet d’une architecture et d’une sculpture minimalistes par leurs matériaux : acier, béton, fibre de verre et plastique. Ce parallèle donne à chacun des sites l’aura d’un monument et, par extension, le potentiel de devenir une ruine, lequel s’accompagne de la possibilité d’être abandonné, érodé et repris par la nature.
Dans la série, plusieurs terrains de jeux sont entourés par des immeubles d’appartements et des éléments urbains. Fenêtres, barrières et climatiseurs occupent l’espace des horizons, des lisières et des frontières. En contraste, les sites montrant des espaces verts et la nature environnante transmettent des signifiants sociaux de classe, d’accès et de capital qui sont différents malgré l’absence de sujets humains. Cette tension entre la manière dont un espace est socialement désigné et sa réalité formaliste est un fil conducteur dans la pratique élargie de Yates.
Filmant ou photographiant souvent des sites abandonnés, comme les pistes de course et les aérogares, Yates est attirée par les espaces interstitiels. Ces zones sont en transition temporelle, passant du rythme des activités humaines, comme le loisir, le voyage et le jeu, à l’immobilité d’une rupture matérielle due à l’usure et au temps géologique. À une époque où les changements climatiques attirent notre attention sur le futur et le besoin de durabilité, l’œuvre de Yates présente un paysage concordant souvent ignoré et qui pourtant nous entoure : le lent effondrement matériel de la modernité. Parcs. Playgrounds propose un fascinant corpus d’œuvres qui dépeint parfaitement cet espace de transition, documentant des sites que nous occupons dans nos stades de développement, que nous abandonnons par la suite et auxquels nous retournons parfois.
April Thompson
Traductrice : Colette Tougas